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NEW YORK/GOLD COAST, 2005 ~ J’ai toujours détesté ces soirs où mon jumeau sortait sans moi. Tout d’abord parce que je peux pas veiller sur lui et j’ai toujours une boule dans le ventre. « Fais attention à toi Aidan. » Les derniers mots que je lui ai adressé et pour pas changé il a rigolé avant de me dire de ne pas m’inquiéter. Et ce soir-là c’est comme si j’avais su qu’il allait se produire quelque chose. J’étais allongée sur mon lit, je regardais le plafond, j’attendais qu’il rentre parce que j’étais toujours très inquiète. Et tout d’un coup j’ai commencé à me sentir mal, j’avais l’impression qu’on m’enfonçait des poignards dans l’estomac. C’était carrément inexplicable. J’ai pas pu dormir, j’avais senti qu’il se passait quelque chose. Et puis, vers 4 heures du matin, on est venus frapper à la porte, je suis descendu, j’ai dévalé les escaliers littéralement. J’étais la seule encore réveillée. « Bonsoir, puis-je vous aider ? » je savais très bien ce qu’il se passait, pas besoin de le dire. Il était arrivé quelque chose. Mais quoi ? Ça j’étais incapable d’y répondre. J’attendais, porte légèrement entrouverte. « Je suis bien chez les Fields ? » J’acquiesçais. La nouvelle allait tomber d’une minute à l’autre. Et puis, quelqu’un arriva derrière moi. Mon père ouvrit la porte afin de laisser les personnes rentrer. « Je suis désolé de devoir venir vous annoncer ça mais il y’a eu un accident. » Je le savais, je le savais, je le savais. C'était pas la première fois. Non avant Aidan il y'avait eu maman. Je tremblais. Je ne savais plus quoi faire, je ne savais même pas quoi dire. Je me sentais affreusement mal. « Aidan. » Je prononçais son prénom avant de perdre connaissance. Comme si ça avait été trop difficile à supporter. En fait c’était trop difficile à supporter. Je venais de perdre mon jumeau et rien ne serait plus jamais comme avant. Mon moi masculin. Ma moitié. Mon jumeau. J’avais vécu 15 ans avec lui et maintenant, je devrais vivre seule le reste de ma vie. Je ne savais pas comment j’allais pouvoir survivre à ça. Perdre maman avait déjà été difficile. Mais perdre mon Aidan c’était tellement horrible. Après les funérailles, nous avons décidé de déménager, de quitter New York. De laisser ça derrière nous. Mais tout le monde sait que c’est impossible de revenir à zéro. Nous étions passés de 5 à 3. Et Preston décidant de rester à New York, je me retrouvais seule avec papa. Seule, toute seule. Abandonnée. Aidan avait rejoint maman. Preston restait à New York. Papa et moi partions en Australie, un nouveau départ. Un nouveau souffle pour une nouvelle vie. On avait peur de voir quelqu’un rentrer dans nos vies. Peur de voir la même personne nous quitter aussi brutalement. Et puis, un matin, un miracle s’est produit. Papa est tombé amoureux. Et là, il semblait se reconstruire. En même temps que la famille. En rentrant dans notre vie, Sarah avait apporté sa bonne humeur et son sourire. Par la même occasion, deux frères et une sœur pour moi. Une famille recomposée mais une famille quand même. Si Preston avait pu être là. Je ne dirais pas que c’était comme si rien ne c’était produit parce que, malheureusement, on n’efface pas de tels drames. Une grande famille à ses avantages et elle à ses inconvenants. La salle de bain par exemple : il y’a toujours quelqu’un dedans. Ou bien les pancakes du matin, si t’arrives pas à table avant tout le monde t’es pas sûre d’en avoir. Mais ce qui y’a de chouette c’est de pouvoir se soutenir les uns les autres. Et se dire que même si on se sent seuls, on ne l’est jamais vraiment.

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GOLD COAST, SEPTEMBRE 2013 ~ Oh non dites-moi que c’est un cauchemar, je peux pas rater mon train… Non pas maintenant. Je commence à courir dans la gare, je prends même pas attention aux gens qui se trouvent autour de moi. Mon train, je peux pas rater mon train. Je dévale les escaliers, tout en faisant attention à pas me fracasser la gueule contre le sol. Et finalement, j’atterri sur le quai et je monte dans le main. Il était moins une, à peine installée, le train démarre. Je souffle, soulagée. Saleté de voiture, pourquoi il a fallu qu’elle me lâche hier soir ? Je lève les yeux au ciel. Voilà que j’ai du mal à respirer maintenant. « On a couru ? » Je regarde en direction de la voix qui vient de s’élever et je souris. Courir ? C’est peu dire. Et en plus avec des talons ? C’est comme si j’avais couru un marathon. Non en fait j’ai couru un marathon. J’ai traversé la gare telle une furie sur le point de rater son train. Oh non en fait j’étais réellement sur le point de rater mon train. « Oui, on peut dire ça ! » Oh bon sang, je m’en remets pas. Je finis par sortir une bouteille d’eau de mon sac et je commence à boire. Bordel, ça fait du bien. « Ça va ? » Je tourne la tête une nouvelle fois et je finis par acquiescer. Oui, ça finira bien par aller. « Vous habitez ici depuis longtemps ? » Engager une conversation avec un inconnu dans le train ? Check. Je pourrais barrer ça de ma liste de choses à faire avant la fin de l’année. « Depuis environ 8 ans, et vous ? » Il a un petit accent et franchement je trouve ça vraiment très mignon. Il sourit à son tour et son sourire est à tomber, encore plus que son accent. Allez, reprends-toi Aria. « Il n'y a pas très longtemps. » Je sais que j'ai pas toujours vécu ici mais je me dévoue pour ton guide si tu veux. Je pense assez fort, je vois encore un petit sourire s’afficher sur son visage. Après quelques minutes de conversation, il est temps pour moi de descendre. « C’est mon arrêt… J’espère qu’on se recroisera un de ces jours ! » Il me sourit et je finis par descendre du train. Adieu mon inconnu. J’ai même pas pensé à lui demander son prénom mais quelle idiote. Franchement. Vous avez déjà vu plus idiote ? Les jours passent. Et puis, ma meilleure amie trouve la force de me traîner à un festival. Le festival de la bière. Comme c’est original. Vraiment. On est assise à table, on parle, une fois sur deux on se lève pour danser. Et finalement, je propose d’aller chercher à boire et sur mon chemin… Seigneur, mon inconnu. « On se connaît, nous ? Non ? » Je ne peux pas ne pas sourire. C’est pire qu’un sourire en fait. Seigneur. Oui, on se connaît. Mais juste parce que je suis fière, j’dirais rien. « J’y suis ! La fille du train… » L’inconnu du train à reconnu l’inconnue du train. Ou plutôt la fille du train. Je souris. Oui encore. Comme si j’allais tourner une pub pour un dentifrice. « Comme c’est surprenant ! Je suis ravie… de te revoir ! » On sait que ça durera pas longtemps parce que je vois ma meilleure amie s’impatienter. Oui, comme d’habitude. Elle s’impatiente facilement celle-là. Mais c’est ma meilleure amie en même temps. Je passe commande. «La prochaine fois qu’on se voit je t’invite à prendre… un café ? » Un café ? ça m’irait très bien. N’en doute surtout pas. Je souris et j’acquiesce. La prochaine fois ? Vient-il de lancer une sorte de pari au destin ? En tout cas, moi, j’espère qu’on se reverra. Vraiment. Je souris encore et j’attrape les bières que le barman à poser sur le comptoir. « ça marche ! » Un peu mon n’veu. J’espère que je le reverrais. J’vais prier pour que ça arrive. Et si ça n’arrive pas, tant pis, je ferais avec. Je retourne alors près de ma meilleure amie, je sais parfaitement qu’elle me poser mille et une questions. « Alors cachotière, c'est qui ? » Inspecteur, au rapport. Ah, ma meilleure amie, probablement la fille la plus fouineuse que je connaisse dans ce monde. Mais je l’aime quand même. « Un inconnu, une rencontre hasardeuse faite dans un train… »

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GOLD COAST, 2005 ~ « Non mais tu peux pas faire attention ? » Premier jour dans mon nouveau lycée. Déjà déménager c’est pas facile mais arriver dans un lycée et ne connaître personne c’est encore pire. « Désolé… » Je soupire. Disons que c’est pas grave. Mais bon j’aurais aimé ne pas me faire piétiner aussi rapidement. Je passe inaperçue dans la foule et c’est franchement effrayant. Les jours passent et ça ne s’arrange pas. Et puis, vient la première soirée de l’année. Depuis Aidan, je ne sors plus. Ça ne fait que quelques semaines mais je n’en suis pas remise et aller à une fête sans lui j’y avais jamais pensé. « Tu viens à la fête ce soir ? » Je soupire, j’avoue que je sais pas trop quoi répondre. Je suis en cours avec une partie des gens que je ne connais toujours pas et là, il se retourne. C’est le gars qui m’a bousculé le premier jour. Il est trop adorable. Avec sa belle petite bouille. « C’est à moi que tu parles ? » Je pointe mon doigt en ma direction. Je suis invisible depuis mon arrivée alors comme si ça allait changer d’une seconde à l’autre. « Oui, y’a personne derrière toi la nouvelle. » La nouvelle, mais quelle originalité. J’suis littéralement blasée et je pense que ça se voit à ma tête, affichant une mine qu’on pourrait traduire par : mais t’es vraiment sérieux ? Et apparemment oui il l’est. « Désolé mais j’connais pas ton prénom. » Je souris, c’est vrai, comment il pourrait le connaître ? Ah mais si, on est ensemble en classe je pense que c’est une raison valable pour connaître mon nom. « T’as qu’à m’appeler Roxie, c’est mon surnom le plus utilisé par ‘la nouvelle’. Sinon mon prénom c’est Aria. » Plus personne ne m’a appellée Roxie depuis Aidan. Et ça me manque un peu. Et puis Roxie c’est pour Roxanne et c’est assez classe non ? « Roxie, ça claque. Moi c’est Max. » Max. Max. Maxim ? Maxence ? Max…well ? Max. Je finis par accepter d’aller à la soirée, peut-être que ce sera pas si horrible que ça. Et puis c’est l’occasion de rencontrer des gens et de me changer les idées non ? « Roxie ! T’es venue finalement… » Comme quoi. Et c’est ce soir-là que tout a changé pour moi. J’avais enfin quelqu’un sur qui compter et avec qui passer mon temps. Jusqu’à ce que ça devienne plus sérieux. Et après quelques mois, Max et moi formions un nous. Un couple. Que du bonheur. Pendant deux ans et demi. Et puis, tout s’est terminé, subitement. Sans que je m’en rende compte. D’un jour à l’autre, Max n’était plus là, il était parti. Je ne sais pas où. Je ne sais pas pourquoi. Mais Max n’était plus là et je me retrouvais une fois de plus seule, abandonnée, malgré ses promesses. Malgré notre amour. J’ai appris à vivre sans lui et j’ai été obligée de tourner la page.