Je n'en peux plus de ce temps. C'est simple, j'en aie marre. On est en plein été et il neige quoi ! Il neige ! C'est comme si je te disais que demain il allait pleuvoir des grenouilles en antarctique ou qu'un dinosaure bleu fluo allait danser la lambada en plein centre-ville. Normalement, l'été c'est synonyme de mini-short, plage et smoothie. Là, c'est plutôt doudoune, sous la couette et café noisette. En parlant de café, je crois que je ne suis jamais autant allée au starbuck de la ville que ces derniers jours. C'est simple, c'est devenu mon endroit de prédilection. Il y a le chauffage, du café et du chocolat, que demander de plus par un temps pareil ? « Salut... ». Je lève les yeux du journal, pas que je m'intéresse à l'actualité même si je fais semblant, mais la petite bande dessinée à la fin me fait juste marrer, et je tombe nez à nez avec... Un ventre. Énorme le ventre. J'ai déjà mal pour elle quand ce gros bébé va sortir de là. Mais quand je lève les yeux un peu plus haut et comprend à qui j'ai à faire, j'ai tout de suite moins mal. C'est bizzare ein ? « Je sais que tu n'as probablement pas envie de me voir ni même de me parler, mais je voulais savoir comment tu allais. ». J'hésite franchement à l'envoyer chier, mais je prends sur moi et pense à mes bonnes résolutions. Reprendre ma vie en main, repartir de zéro et tout le bazar. « Je vais bien merci. ». Et le mieux, c'est qu'à l'heure d'aujourd'hui, je peux le dire et vraiment le penser. Parce que oui, je vais bien. Bon, ce n'est pas le bonheur absolu, mais qui peut se vanter de l'avoir, franchement. Je ne suis plus dépressive. J'ai tant bien que mal réussi à me réadapter à ma vie malgré mon amnésie et les surprises des mois passés qui continuent de refaire surface. J'ai fait un trait sur mes sentiments. Bon d'accord, ça me fait toujours quelque chose de la voir là, devant moi, mais je ne suis plus amoureuse. Plus vraiment. Ou alors j'essaie simplement de m'en convaincre... Peu importe après tout, l'important, c'est que j'y crois. Donc en gros, je n'ai jamais été aussi en forme depuis un moment maintenant. « Tu as l'air en forme. ». Je n'ai pas envie de lui demander si elle va bien également. Je pense qu'elle me répondrait succinctement, comme moi. Mais je ne suis pas prête à prendre le risque qu'elle se mette à me raconter tout ce qui va ou ne va pas dans sa vie, ce que je n'ai aucune envie d'entendre. Je n'ai pas envie de savoir ce qu'est sa vie désormais. Nous ne faisons plus partie de la vie l'une de l'autre. Ce que je n'aurais pourtant jamais cru possible, mais c'est le cas. Et encore une fois, je prends sur moi pour être gentille alors que je n'ai qu'une envie, qu'elle me laisse tranquille. Ça me rappelle tellement de souvenir que j'ai envie d'oublier. « Alors, c'est pour quand ? ». Pas besoin de dire que je parle du bébé, mon regard sur son gros ventre est assez explicite pour ça. J'y peux rien, c'est la seule chose que je vois. Elle est tellement minuscule que son bidon de femme enceinte paraît disproportionné. Non, je ne suis pas méchante, juste réaliste. Nuance.

Ça me fait bizarre. On se comporte comme des étrangères l'une avec l'autre, alors qu'on est des meilleures amies depuis des années. Ça fait mal de voir a quel point on s'est éloigné à cause de toute cette histoire alors qu'il n'y a pas si longtemps que ça, on dormait dans le même lit. Ça me manque. Pas forcément le fait qu'elle soit ma petite-copine. Simplement le fait de ne plus la voir aussi souvent, de ne plus pouvoir lui parler de tout et de rien, de ne plus la serrer dans mes bras. Ma meilleure amie me manque, tout simplement. Mais je ne sais pas si un jour cela pourra redevenir comme avant. Pour le moment, cela me semble juste impossible. C'est comme si un gouffre s'était creusé entre nous, et ça me paraît insurmontable de le remplir à nouveau. « Ravie de voir que tu vas mieux. ». Elle n'a pas l'air à l'aise, mais moi non plus donc bon. Je ne sais pas vraiment comment me comporter avec elle. Je ne veux plus la détester, mais je n'ai pas non plus de très bonnes considérations à son égard. Elle boit beaucoup de café, probablement parce qu'elle ne sait pas quoi faire. Comme moi qui triture le bout de mon journal depuis qu'elle s'est pointée devant moi. Mais je ne suis pas certaine qu'autant de caféine soit bon pour son bébé. Enfin bon, elle en sait probablement plus que moi sur sa propre grossesse. Et je m'en veux. Je culpabilise. J'aurais voulu vivre ça avec elle. J'aurais voulu être là tout au long de sa grossesse. Mais au final, j'avais été absente la plupart du temps. Que se soit volontairement au début, ou involontairement à cause de mon séjour surprise à l'hôpital. Et entre les deux, je ne me souviens de rien. Donc je n'ai été là pour elle à aucun moment de cette incroyable aventure. Et je m'en veux terriblement. « Le 6 avril. ». Dans même pas deux mois, alors que j'ai l'impression que ça fait à peine deux mois qu'elle m'a annoncé qu'elle attendait un enfant. Je baisse les yeux vers le coin de mon journal qui ne ressemble plus à rien maintenant. « Zippy... Je suis désolée de ne pas avoir été là pour toi comme j'aurais dû l'être... ». Ça me fait mal de devoir l'admettre, mais d'un côté ça me fait du bien d'enfin pouvoir le dire. De ne plus avoir ce poids sur les épaules. Je ne dis pas qu'on redeviendra amies, mais je veux au moins qu'on arrête de se faire la guerre et de se comporter comme si l'on ne se connaissait pas. Je veux arrêter de la croiser dans la rue et de devoir changer de trottoir. Je veux arrêter de me sentir gênée et pas à ma place en sa présence. Ce que je veux, c'est que quand l'on se croise, pouvoir lui dire bonjour sans qu'il y ait ce malaise entre nous. J'aimerais pouvoir retourner en arrière.