Joey lui tournait autour depuis des lustres pour lui faire cracher le morceau. On verra bien. Pour l'instant je sors avec lui parce qu'il veut pas me lâcher les baskets. Ça fait à peine quelques semaines que Alice et Callum se sont rencontrés, mais il y a eu cette alchimie entre eux dès le début, qui les poussent à se chercher un peu plus, à vouloir mieux se connaître, à se voir dès qu'ils peuvent. Ils n'ont pas d'amis en commun, ils se sont connus pendant une fête, et ils ont fini la nuit à se raconter leur vie en se poussant sur les balançoires d'un parc à tour de rôle. Alice avait déjà un copain, Callum le savait, mais ça l'a pas arrêté. Il a pas quitté Alice des yeux à partir du moment où il a posé son regard sur elle. Et quelques jours après, Alice s'est lassé de son petit ami. Elle ne pensait plus qu'à Callum, elle voulait toujours le voir, il lui manquait tout le temps. A force du temps, on aurait dit un vrai couple. Mais rien n'était officiel, parce que ni l'un ni l'autre n'en avait parlé. Ils passaient leurs journées et leurs nuits ensemble, ils sentaient cette merveilleuse chaleur en se tenant la main, ils avaient toujours le coeur serré quand ils n'étaient pas ensemble, mais ça, ils se le disaient pas. Parce que c'était pas dans leurs habitudes. Ils connaissaient pas ce genre de sentiments. Et Alice avait peur que Callum lui rit au nez. Ecoute, ça me coûte beaucoup de te dire ça, mais.. je te veux à moi Cal, je veux que toi et personne d'autre. Ils marchaient dans la rue côte à côte. Callum la raccompagnait chez elle, et ça lui prit maintenant. Elle a réussi à ne pas lui dire les trois petits mots fatidiques qui lui brûlent la bouche seulement à y penser, mais elle a dit bien plus. Elle ne veut plus personne maintenant. Callum lui suffit. Elle n'a plus besoin que de lui pour aller bien, et elle en est sûre. Callum la fixe d'un air absent, comme si il avait reçu une enclume sur la tête. Alice comprend pas son regard et baisse les yeux. Elle attend. Elle attend qu'il réagisse, qu'il dise quelque chose. Elle espère qu'elle a pas eu tord. Elle sent alors des doigts lui attraper le menton, et elle relève la tête. Callum la regarde intensément. Il lâche son visage, enlace sa taille, la serre contre lui et la soulève sur ses hanches. Alice passe ses bras autour de son cou. Il rapproche leurs visages et embrasse son front, son nez, puis ses lèvres. Elle sourit. Elle sait qu'il a compris. Lili, crois moi. Il s'est rien passé. Ça fait des heures qu'il essaie de la convaincre. D'habitude, Alice le croit quoi qu'il dise. Il pourrait braquer une banque et lui dire qu'il y est pour rien, elle le croirait. Il pourrait tuer quelqu'un et lui promettre qu'il a rien fait, elle le croirait. Mais là elle peut pas. Elle lui fait confiance autant qu'à Connor, elle pourrait à n'importe quel moment lui laisser sa propre vie entre ses mains. Et pourtant là, elle y arrive pas. C'est plus fort qu'elle. Depuis qu'elle a Callum, elle est la plus heureuse et la plus malheureuse. Elle n'a jamais connu un amour pareil, elle sait qu'il est fait pour elle, mais le monde entier ne le sait pas, et les autres filles non plus. N'importe laquelle serait bien stupide de ne pas poser les yeux sur lui. Mais Alice supporte pas ça. Et là c'est allé trop loin. Elle est pas du genre jalouse, mais plutôt possessive. Elle arrive pas à regarder une autre fille s'approcher de Callum. Elle en revoit encore une, hier soir, venir lui parler alors qu'elle l'a quitté des yeux un instant. Elle la revoit rire aux éclats au moindre de ses mots, lui toucher la main ou la cuisse à l'occasion. C'est trop pour elle. Je veux pas d'une autre nana Alice. Je te veux toi, rien que toi, pour toujours. Il essaie de lui relever la tête, et cette fois elle se laisse faire. Elle se retrouve face à ses beaux yeux auxquels elle ne peut rien refuser. Elle en oublierait presque la raison de ses larmes. Et puis elle saisit vraiment ce qu'il vient de lui dire. Il lui répond en retard. Il lui fait enfin la même promesse.

Espèce de.. Alice remarque le regard sévère de leur mère posé sur elle. Elle arrête de lui courir après, ferme la bouche et ne finit pas sa phrase. Il vaut mieux pas pour elle. Elle fusille son jumeau avec ses yeux. Il s'en sort encore, mais quand maman aura le dos tourné, ce sera pas fini. Connor le sait, mais il profite de la situation en lui rendant un énorme sourire. Alice se prend pour l'aînée depuis toujours, et c'est un juste retour des choses que Connor puisse profiter du peu d'avantages qui lui reviennent en étant le cadet. Il décide de pousser le vice au maximum, et il engloutit sous les yeux de sa soeur tous les gâteaux qu'il vient de lui piquer. Elle a de la fumée qui lui sort de la tête. Maman est retournée dans le salon, elle peut repartir en chasse. Connor court toujours plus vite qu'elle, mais quand elle arrive à le coincer quelque part, c'est sa fête. Mais ça l'empêche pas de recommencer. Lil, faut que je te dise.. Connor se frotte machinalement la nuque. Il regarde le sol. Ça fait des années que ça lui pèse, mais il doit lui dire. C'est sa soeur, elle doit savoir. Mais c'est dur. C'est plus dur qu'un contrôle de bio. Plus dur qu'une chute en roller. Il a le coeur qui tambourine. Ce serait peut-être même plus facile de le dire directement à Joey que à Alice. Je sais Connor. Elle sait toujours. Mais Connor n'est pas sûr. Il lève un sourcil. Il ne lui en a jamais parlé, c'est impossible qu'elle ait deviné. Mais impossible n'est pas Alice. Et elle sait. Déjà parce que Connor est son jumeau, et qu'elle sait toujours tout ce qui le concerne. Mais aussi parce que Joey est sa meilleure amie. Et elle a fait le rapprochement aussi facilement que de cligner des yeux. Elle le sait depuis toujours en fait. C'est comme Joey qui aime Ashton. Connor aime Joey, et ça lui a pris dès le premier jour. A l'école il se fichait des autres amies de Alice, il leur parlait rarement, et il ne les a jamais raccompagnée chez elle. Joey, si. C'était pas difficile à comprendre quand on connait Connor. Sauf si on s'appelle Joey. T'en fais pas, ça va aller. Elle le rassure comme elle peut, parce qu'elle imagine ce que ça fait, d'aimer quelqu'un qui ne le sait même pas. Joey vit ça tous les jours, et c'est Alice qui la ramasse à la petite cuillère après. Mais Joey, elle exprime ses émotions. Connor non. C'est un garçon, ça s'exprime pas un garçon. Mais c'est son jumeau, alors elle comprend. Et en même temps, elle sait pas trop quoi faire. Joey est dans la même situation, et elle est pas prête de s'en sortir. A moins que Connor ne l'y aide.

Une amie ? C'est quoi ça ? Alice et Joey ont trois ans. Ça fait déjà quelques mois que Alice est entrée au jardin d'enfants, et Joey est arrivée avec quelques mois de retard parce que sa mère avait oublié les inscriptions. Alice s'est déjà fait des amis, et Joey non. Elle sait pas ce que c'est. Tout ce qu'elle a connu jusque là, c'est sa maman, son papa, et son frère Aiden. Elle arrive là un beau jour, sortie d'une autre planète. Toute mignonne dans sa robe à pois avec ses pompons dans les cheveux. Elle a encore parlé à personne, Alice est la première à venir vers elle. Elle a avancé à petits pas, des pas timides, les mains dans le dos et la tête un peu baissée. Elle sait pas si la petite fille voudra bien lui parler ou pas. Ça a l'air rigolo, je veux bien. Elle lui tend alors la main, et Alice l'attrape et la garde serrée fort dans la sienne. Elle n'imagine pas ce que ce geste voudra dire pour elle plus tard. C'est son premier souvenir avec Joey et le plus précieux. Alice les chérit tous, mais celui-ci plus que les autres. Joey est sa meilleure amie, la seule fille en qui elle fait confiance. Elle l'a toujours été. C'était décidé quelque part, que les deux fillettes devaient se tenir la main ce jour-là, pour ne plus jamais se lâcher. Ça devait être comme ça et pas autrement. Mais bordel Joey, ça fait des heures que t'es là-dedans ! Aiden l'a appelée en catastrophe parce que Joey s'est enfermée dans sa chambre et ne répond plus. Il a espoir que Alice réussira là où il a échoué. Elle tambourine sans s'arrêter. Elle entend un bruit en unique réponse, qui ressemble à des pleurs. Elle ne sait pas depuis combien de temps elle s'acharne sur la porte. Mais elle partira pas. Pas tant qu'elle n'aura pas vu Joey sécher ses larmes. Elle soupire et cogne sa tête contre la porte, à bout de force. C'est encore Ashton hein ? Elle n'entend plus Joey. Quelques secondes après, elle reconnait le bruit du verrou désenclenché, et Joey pointe le bout de son nez. Elle hoche la tête. Elle a les yeux tout rouge, encore. Ça arrive fréquemment, toujours pour la même raison. Ashton Melborne, c'est le meilleur ami du frère de Joey. Et le garçon dont Joey s'est entichée depuis toujours. Depuis la première fois qu'elle l'a vue. Alice le sait, parce que le lendemain, Joey n'avait parlé que de lui. Et ça dure depuis ce jour-là. Ça dure depuis des années maintenant, et Joey reste cette enfant fragile qui ne sait pas se protéger de l'amour. Elle en donne trop à quelqu'un qui n'en veut pas. Alice a essayé et essayé à nouveau, de la raisonner, de lui faire comprendre qu'elle courait droit dans un mur et qu'elle continuait à se jeter dessus, mais elle a vite compris que rien n'arrêterait l'amour de Joey. Alors elle revient, elle est là, chaque fois que ça va pas. Elle voit Joey pleurer des milliers de fois, et elle peut rien faire d'autre que d'éponger ses larmes sur son épaule.