2002. - pleures pas je suis là ! - t’es ma sœur j’ai pas su te protéger, j’ai rien vu. tu me pardonnes ? «
- putain ! mais jackie, t'en as pas marre de faire ta casse couille là. on t'a remarqué. » accrochée à un pied seulement, la tête en bas et les bras ballants, elle regardait matthias avec un drôle d'air. le voir de la sorte à l'envers enlevait toute sa crédibilité au jeune homme de vingt ans. les bras croisés sur son torse, il la toisait, à la fois agacé par ses accidents à répétition et à la fois amusé de la voir dans une telle posture. il n'avait qu'une envie, la balancer et partir, la laissant accrochée simplement par les pieds à ce vieux chêne. «
- s'il te plait, détache moi. » son bras gauche était tout mou. probablement cassé. encore. mais elle n'avait pas mal du tout. au contraire, elle ne sentait rien. bon, elle n'était pas médecin mais voir qu'elle ne pouvait plus rien en faire lui mettait la puce à l'oreille. matthias avança vers elle et, sans ménagement, il libéra sa cheville de la corde. dans un grand fracas, la jeune fille tomba à terre. son bras gauche formait un drôle d'angle. «
- bouge ton cul de babouin, je t'emmène à l'hosto, tu as encore dû te casser un truc... pour pas changer. » il leva les yeux au ciel tandis qu'elle tenta de se redresser. de sa main valide, elle arrangea ses cheveux bruns mais lâcha vite l'affaire en constatant que son carré long gagnait face à elle. elle regarda son bras pendre mollement et, avec un haussement d'épaule, elle monta dans la voiture. jacqueline était bien connu des services hospitaliers de seattle. pendant longtemps, ses parents avaient été accusés de maltraitance envers elle avant que les flics viennent passer quelques jours avec eux pour découvrir qu'elle se faisait ça elle même. ce n'était jamais intentionnel, juste une maladresse bien poussées. les médecins n'avaient pas cherché plus loin. soutenue par matthias, elle franchit le seuil de la grande porte en verre et alla directement aux urgences. l'habitude. une jeune femme d'environ trente ans avança vers elle. intriguée, jackie pencha la tête sur le coté et observa cette docteure qu'elle n'avait jamais vu, y comprit le mois dernier lorsqu'elle était venue se faire enlever son atèle à la cheville. «
- mademoiselle specter.. suivez moi s'il vous plait. » sans broncher, elle se leva et suivit la femme dans une petite pièce. cette dernière posa enfin son dossier et s'approcha d'elle. «
- dites moi quand je vous fais mal, d'accord ? » la jeune fille haussa les épaules et lança un regard vers son frère. une moue boudeuse pris place sur son visage. «
- allez y. faites vous plaisir. j'ai pas mal. j'ai jamais mal. » intriguée, la femme la regarda puis, quitta la pièce avant de revenir avec un autre médecin que l'adolescente connaissait. la docteure attrapa une aiguille stérilisée sans aucun produit dedans et la planta dans la jambe de la brune qui ne bougea pas. elle fit plusieurs petites expériences de la sorte. «
- mademoiselle specter, vous ne sentez rien ? vraiment rien ? » ladite specter secoua la tête de gauche à droite. elle n'avait pas mal. jamais même. elle ne se souvenait pas avoir déjà eu mal un jour. «
- vous souffrez d’analgésie congénitale, mademoiselle. vous ne percevez pas la douleur. vos parents sont-ils dans le coin ? je voudrais les voir. » ébahie, jackie regarda la femme. ce qu'elle avait toujours pris pour une force ou un don était en réalité une maladie. une putain de maladie.
2004. je sais que c’est dur d’être celui qui s’en va. mais bon sang, c’est pas non plus facile d’être celui qui reste. les larmes dévalaient ses joues. en ce moment, elle n'avait qu'une seule et unique envie : être égoïste. devenir la personne la plus égoïste que la terre n'ait jamais connu. elle voulait le garder. rien que pour elle. il était son frère et même si elle savait que ce jour devait arriver, elle ne pouvait se résoudre à le voir quitter le cocon familial. sans elle. matthias la laissait seule. elle lui en voulait. «
- beauté, t'inquiète pas, je vais revenir. je pars juste un an. » elle le regarda en reniflant. un an. ce n'était rien. d'ici un an, elle serait en terminale et s'apprêterait à quitter le lycée. lui en un an.... sera peut être mort. elle se refusait à penser ça et pourtant, l'image de son frère au front lui revenait sans cesse. «
- arrête ! franchement, t'es qu'un con ! » il posa son sac au sol et prit sa soeur dans ses bras. l’instant était émouvant. trop peut être. avec sa maladie, elle n'aurait pas dû souffrir, elle ne ressentait aucune douleur et pourtant, en voyant son frère s'envoler pour l'armée et l'afganistan, elle avait l'impression qu'on lui arrachait le coeur et que jamais elle ne s'en remettrait. pour la première fois, elle avait mal. «
- bordel d'enfer ! » elle tapa l'homme sur le torse et se sépara de son étreinte à contre coeur alors qu'il quittait le domicile familial. jackie n'eut pas le courage de rester plus. prenant son portable, elle quitta à son tour la maison en courant. son regard suivit son frère pendant quelques minutes puis, elle repris sa course de l'autre coté. elle s'arrêta face à une maison, escalada le portail et, discrètement, elle fit le tour de la propriété. elle trouva la bonne fenêtre et après s'être assurée que personne ne la verrait, elle commença à grimper pour atteindre la chambre au premier. «
- aid' ? » malgré un reniflement peu sexy, elle avait murmuré. aidhàn était allongé sur le lit, endormi encore. jackie regarda son portable. il n'était que huit heures. elle vira ses converses et se faufila dans le lit du jeune homme en posant sa tête sur sa poitrine. celui ci sursauta. «
- p'tit wrap.. » sa voix était toute ensommeillée et pâteuse. il se frotta les yeux et regarda sa meilleure amie qui pleurait silencieusement contre lui. «
- matt, hein ? » elle n'eut pas besoin de répondre. il compris. il la connaissait par coeur. elle n'était pas sa meilleure amie pour rien après tout. le jeune homme passa ses bras autour d'elle et l'attira contre lui, la berçant doucement. «
- t'inquiète pas, mon p'tit wrap. il ira bien. ton frère va tous les avoir. » il embrassa le haut de son crâne et se rendormi tout aussi rapidement qu'il s'était réveillé tout en gardant la jeune femme chamboulée contre lui. «
- j'ai peur. et s'il revenait pas ? » elle sanglota de plus belle et ferma les yeux à son tour bien qu'elle se savait totalement incapable de s'endormir.
2011. à la fac de médecine, on a plus d’une centaine d’heures sur comment lutter contre la mort. mais pas une seule sur comment vivre avec... les yeux bandés. ce qu'elle pouvait détester cette sensation. ne rien voir. ne pas savoir. elle s'accrochait à aidhàn comme à une bouée de sauvetage. accessoirement, elle lui plantait les ongles dans la peau mais celui ci préférait ne rien dire. «
- mais pourquoi tu fais ça ? je veux voir. » il se mit à rire sans pour autant lâcher jackie et arrêter de marcher. il continua de la sorte pendant quelques minutes puis, arrivés sur la plage, il lui lâcha les bras. «
- attends maintenant. ne retire pas le bandeau de suite. » une moue boudeuse pris place sur son visage puis, la jeune étudiante croisa ses bras sur sa poitrine. sans rien comprendre à ce qui se passait, jackie sentit le sol se dérober sous ses pieds et des bras l'encercler autour de sa taille de guêpe. elle commença à tournoyer dans les airs sans savoir qui la tenait. aidhàn, bien sur. ils n'étaient que tous les deux et pourtant, elle l'entendait rire. plus loin. elle réussi tout de même à virer le bandeau noir. «
- bon anniversaire, cul de babouin ! » un cri traversa la bouche de la jeune femme qui s'agrippa au cou de son frère comme une malade. des larmes commençaient à perler au coin de ses yeux bleus si rieurs. «
- mattou ! » elle se retourna vers son ami sans jamais lâcher son frère. «
- tu savais ? » aidhàn hausse les épaules et avec un large sourire, répondit. «
- surprise ! »